En France, la présence de nitrates dans les eaux continentales provient à 66 % de l’agriculture, suite à l’épandage de doses massives d’engrais azotés et de lisier (effluents d’élevage), les zones les plus atteintes étant les plaines alluviales qui récoltent les eaux des grands bassins versants et sont des lieux privilégiés d’agriculture intensive. Le reste est issu des rejets des collectivités locales (22 %) et de l’industrie (12 %).
Très solubles dans l’eau, les nitrates constituent aujourd’hui la cause majeure de pollution des grands réservoirs d’eau souterraine du globe qui par ailleurs présentent en général une qualité chimique et bactériologique satisfaisante pour l’alimentation. Cette pollution a débuté à la fin des années 1950 et n’a fait qu’augmenter depuis lors. Alors qu’en l’absence de contamination, la teneur en nitrates des eaux souterraines varie de 0,1 à 1 milligramme par litre d’eau, elle dépasse souvent aujourd’hui 50 milligrammes par litre, norme retenue pour les eaux potables par l’Organisation mondiale de la santé. Désormais, de telles eaux nécessitent donc un traitement spécifique pour pouvoir être consommées (voir le chapitre Eau potable).
L'essentiel de cette pollution est dû à la différence entre les apports en nitrates sous forme d’engrais et ce qui est réellement consommé par les plantes. En France, selon un bilan du ministère de l'Agriculture, cet excédent est passé de 320 000 tonnes en 1995, à 400 000 tonnes en 1997, les régions les plus touchées étant la Bretagne, la Champagne-Ardenne, le Centre et le Poitou-Charentes et l'Île-de-France.
La pollution par les nitrates est un problème complexe. Outre d’être des nutriments pour les plantes, les nitrates sont également consommés par les microorganismes (bactéries et champignons) présents dans la terre. Ils participent ainsi à la synthèse des matières organiques du sol qui stockent en leur sein l’azote contenu dans les nitrates qui n’ont pas été consommés dans l’année par les plantes, et ce jusqu’à leur mort. Leur décomposition par les bactéries libère alors l’azote qu’elles contiennent sous la forme de nitrates. Mais cette libération peut se produire à tout moment de l’année, notamment lorsque les plantes sont au repos et s’alimentent peu : dans ce cas, ne pouvant être consommés par ces dernières, les nitrates libérés sont lessivés par les eaux de ruissellement et d’infiltration.
Les nitrates emportés par les eaux d’infiltration au cours d’une année ne proviennent donc que pour une faible part des engrais apportés cette même année. L’essentiel provient de la production de nitrates par la matière organique morte des sols, c’est-à-dire des nitrates épandus les années précédentes et stockés. À ceci s’ajoute parfois la lenteur de la progression de l’eau d’infiltration dans les sols.
Chaque épandage contribue donc peu chaque année à la contamination des eaux, mais il y contribue durant de nombreuses années. D’année en année, ces contributions " retardées " s’additionnent les unes aux autres et les quantités de nitrates lessivés atteignant les nappes augmentent. C’est ainsi que la pollution actuelle des nappes souterraines provient de 20 à 30 années d’épandage d’engrais. Même si l’on arrêtait aujourd’hui de fertiliser les sols, il faudrait attendre plusieurs décennies avant de retrouver une situation normale.
La pollution des eaux par les nitrates présente un double risque. Ingérés en trop grande quantité, les nitrates ont des effets toxiques sur la santé humaine (voir le chapitre Eau Potable). Par ailleurs, ils contribuent avec les phosphates à modifier l’équilibre biologique des milieux aquatiques en provoquant des phénomènes d’eutrophisation (voir le chapitre Écosystèmes aquatiques continentaux), voire de dystrophisation.